Vladimir, ode au chat qui fut
Un 9 novembre, il y a 16 ans, je venais d'en avoir 18, 'MonsieurPap -to-be' m'offrit ce chat que sa soeur avait trouvé avec un autre dans un carton déposé sur la capot de sa voiture. Il avait été si vite séparé de sa mère qu'elle avait dû le nourrir avec du lait maternisé pour petit chaton avant qu'il ne fut décidé qu'il me serait offert. Nous étions en terminale. Je l'avais tanné tout l'été pour un bébé chat, lubie tenace alors que je vivais encore chez mes parents et que ma mère ne tenait pas à accueillir un nouvel animal. A son arrivée et pendant plusieurs mois, elle lui interdit d'ailleurs de sortir de ma chambre. Je me souviens avoir soudoyé ma soeur cadette pour qu'elle le nourrisse entre midi et deux lorsque j'étais au lycée dont je ne revenais que le soir. Il se vengeait de cet enfermement en faisant régner la terreur et en se cachant sous le lit d'où il nous laminait les pieds par surprise. C'était un chat sauvage.
à son arrivée il était si petit, pas plus grand que Cocron mon Doudou d'adolescente
Jeune homme félin dans son rideau hamac.
Avec les compères de la maison parentale. Le regretté Félix et Capucin qui était le doyen, le vieux Caïus Pu-puce, chat de ma tendre enfance, disparu à un âge vénérable aussi, jamais revenu d'une de ses sorties.
Il était accueilli dans la maison familiale lorsque je partais parcourir le monde, quelques jours en France, quelques semaines aux Etats Unis, un an en Grande Bretagne. Il tenait toutefois à se nicher dans ma valise avant mon départ. Enfin accepté, il profitait de la grande demeure et de son beau jardin.
C'était un chat solide et fort. Il y a un an encore le voisinage s'étonnait devant ce chat à l'impressionnante carrure. Partout où il allait il imposait le respect et n'hésitait pas à aller à la bagarre pour conquérir un nouveau territoire. En seize ans il en eut huit, le temps de quelques semaines à certains endroits et jusqu'à plus de sept ans en appartement avec parc attenant.
Il aimait le sel de céleri, les yaourts (avec un faible pour la danette choco) le maïs et les moules.
Ma soeur le pleure aussi et le retrouve présent dans ses souvenirs d'enfance et d'adolescence.
Jamais si heureux que dans un jardin. Ici le jardin familial.
le béton c'est bon! Quel plaisir de s'y rouler!
avec copine Clochette
Notre premier sapin dans mon premier appartement d'étudiante où il tyrannisait Elsa adoptée cette année là.
Lorsque je rentrais à la maison c'était mon père qui venait me chercher en voiture. Vladimir n'aimait pas trop ça et quand il le voyait arriver à la fenêtre il se mettait à grogner.
C'est dans cet appartement qu'il passa le plus grand nombre d'années. On partageait notre mezzanine. Souvent il se couchait entre moi et Monsieur Pap sur qui il posait la patte et pas question de le déloger sans craindre une fâcherie.
Comme tous les chats il adorait les endroits insolites.
Dehors par tous les temps. Appartement mouchoir de poche mais grand parc attenant.
Lorsqu'il voyait un oiseau à guetter, il enchainait des petits cris brefs et hoquetés qui trahissaient son excitation et ça nous faisait sourire.
Jamais il n'attrapa de poisson. C'est l'eau qui l'intéressait. Il en était fou. Il aimait beaucoup jouer dans la baignoire. Il eut un jour la surprise de la trouver remplie quand il sauta dedans.
C'était aussi le maître des ombres et sautait haut pour les attraper.
Territoire étranger. Même chez les chats Flamands il en imposait.
Sa longue ligne de vie le rendit témoin des petits et grands bouleversements de la mienne. Lycéenne, étudiante, enseignante, jeune mariée, maman. Il connut de nombreux autres compagnons de passage: Lily la lapine, Elsa et ses tribus de chatons, Loulou, Nanou, Jack, ribambelles de poissons, grenouilles et phasmes. Il les regardait débarquer avec beaucoup de flegme et une bonne dose d'autorité. C'était un témoin à part entière de tout un pan de ma vie. Un témoin relais qui connu même Caïs Pu-puce chat de mon enfance.
Et il y eut l'arrivée des deux pommes qui le laissa bien indifférent. ça faisait juste d'avantage de bons endroits à squatter.
Dernière photo de lui, malgré la maladie profitant du soleil d'octobre.
Car en octobre il y eut soudain cette perte totale d'appétit. Une prise de sang nous révéla que c'était un problème de pancréas. Il eut 3 cachets par jour à avaler et toute une série d'aliments grand standing du véto à adopter. Nous avons toujours eu grand mal à lui faire avaler les comprimés. Il faut l'entourer d'un linge et laisser seulement dépasser la tête; le caler entre les genoux, coincer un coussin sous son cou parce qu'il arrive toujours à sortir une patte et à la tourner vers nous toutes griffes dehors, et puis on risque encore la morsure. Une fois le cachet pris il n'est pas exclu qu'il soit recraché. Nous nous entêtâmes 5 jours, griffes et morsures, mais le traitement ne changea rien à sa perte totale d'appétit. Bien sûr la gamme grand standing d'aliments vétérinaire fut déclinée, ainsi que le poisson , la viande rouge, blanche, le lait, le lait concentré, les yaourts... Au bout de dix jours j'ai rappelé le vétérinaire. Il m'a vendu un aliment liquide que je devais lui administrer à la seringue mais qu'il recrachait. Il ne disait rien, ne se plaignait pas et passait d'un coin douillet de couette, au panier et parfois jusqu'à un carré de soleil au jardin quand il se montrait. Au bout de deux semaines il ne lui fut plus possible de descendre l'escalier. Il titubait. Il semblait partir, lentement, très lentement mais continuait de ronronner sous les caresses. Je me disais que c'était un peu son choix ce refus obstiné d'avaler quoi que ce soit, cachets et aliments. Il avait 16 ans et j'étais contre l'acharnement thérapeutique par gavage ou perfusion. Et puis dans la nuit du vendredi au samedi je l'ai entendu pousser ce cri qui ressemble à un pleur. Ce cri que Nanou avait poussé lorsque son coeur s'est arrêté l'année dernière. Je me suis levée plusieurs fois à ses appels pour être à ses côtés cette nuit là. Le lendemain il était toujours là. Nous étions d'accord que s'il manifestait une douleur, des plaintes nous étions prêts à l'accompagner dans une fin plus douce. Mais MonsieurPapillon était au travail. Personne non plus pour garder les enfants, malades de surcroit depuis la veille. Le vétérinaire nous avait donné rendez vous mais nous dûmes attendre une demi heure avant notre tour et les enfants en avaient assez. Pas d'assistante ce samedi pour les surveiller dans la salle d'attente. Je les ai donc assis sanglés dans la poussette et tournés vers la fenêtre à l'autre bout de la salle de consultation et ça se chamaillait, s'impatientait. Le produit fut injecté en deux fois et n'eut pas pour effet d'engendrer la fin paisible que j'avais imaginé. J'ai voulu l'accompagner jusqu'au bout et j'ai vu comme il a lutté avec une force qu'on ne lui aurait pas imaginé vu son état... et ce cri... Je reste avec mes "et si",...tristesse et culpabilité. Et puis ce face à face avec la mortalité, la sienne, la leur, la nôtre.
J'ai déjà eu de la peine à la perte d'animaux mais je n'y avais jamais été confrontée de la sorte. Leur départ était toujours soudain (accident, arrêt cardiaque) ou laissait place à l'espoir (disparition). Lorsqu'un chat ne rentre pas on peut imaginer le pire mais aussi se dire qu'il a choisi une autre vie ou qu'il reviendra un jour. J'ai souvenir de notre chatte Elsa qui était partie très longtemps de la maison et un soir elle était de retour à notre porte. Quelle joie ce fut. Lorsqu'elle disparut à nouveau je me suis dit qu'elle avait choisi un autre foyer. Capucin, Elsa, Loulou.. ces chats partis un beau jour me visitent de temps en temps en rêves comme si je gardais toujours en moi un peu l'espoir de les revoir. Aujourd'hui la mort de Vladimir est associé aux mots durs: euthanasie et crémation.
Ce chat témoin du temps qui passe, qui vécut avec nous ici et là et connut même Caïus Pu-puce me manque beaucoup. Il était devenu discret avec l'âge, ne se mêlait plus aux jeux et aimait sa tranquillité mais occupait en fait une grande place et il laisse un vide comme je n'aurais pu l'imaginer. En arrivant ici nous nous disions bien que ce serait surement sa dernière demeure, avec résignation et fatalisme, mais je ne réalisais pas la peine que cela engendrerait.
Petite Misty elle est toute occupée à sa vie de chaton de famille. Je me réjouis que le destin me l'ait imposé le mois dernier avant même que Vladimir ne commence à flancher. Elle ne le remplace pas. Elle devient le témoin. On dira un jour, tu te rends compte elle a connu Vladimir qui a connu tous les autres jusqu'à Caïus Pu-puce. Alors que qu'avant son arrivée je maugréais contre les animaux à coup de 'plus jamais", je réalise comme leur présence à nos côtés est importante. Ils sont un bout d'âme du foyer, dépositaires de ses joies et de ses peines.