Jour de gel autour de l'étang
J'aimerais écrire "autour de mon lac" Je ne sais pas exactement pourquoi le terme d'"étang "me renvoie une image de mare à grenouilles vaseuse bourdonnante de vie. Ça me rappelle aussi celle qui était au bout du terrain où se trouvait le "bungalow" de mes grands parents où aimait pêcher mon parrain et où j'adorais aller voir les têtards et autres merveilles fascinantes de la nature. "Parrain? Il est 'cor à'l' flaque" qu'on disait dans le nord. Mais cet étang Poitevin n'a rien d'une flaque. Il s'étend et perd le regard à l'horizon, il s'étire en arabesques, contourne les îlots des canards, semble se faufiler entre les jambes du pont levis en ruines. C'est mon lac, bien que là en arrivant dans la région, j'étais décidée à l'appeler l'étang, l'étiquette n'a pas collé.
J'ai le bonheur d'avoir un quotidien et un lieu de vie qui me permet de dire en sortant de la pharmacie (munie de smecta, d'ultra levure et de sirop contre cette toux qui depuis deux semaines me piétine la poitrine de ses lourds râles, mais on ne peut pas prendre grand chose quand on allaite. Ca c'était la touche pipi/caca et trousse à pharmacie) le bonheur de me dire donc qu'il serait bon de faire le tour du lac pris par le gel. Faire le tour du lac est une activité particulière car elle doit se faire sans les moins de 10 mois puisque ses dénivelés et quelques marches la rendent impraticable en poussette. C'est un projet que j'avais caressé tout le matin dès le réveil sous le spectacle de mon ruban de jardin paré d'étoiles de givre. J'attendais le moment propice pour laisser les papillons à leurs papa, (caler les tétées, calculer les siestes et l'heure du repas) et au lac je me suis rendue. Je me suis dit, si certains ont la chance d'avoir un manteau de neige, j'aurais au moins profité un peu du voile de givre.
On imaginerait sans mal ces touffes d'herbe être la sauvage chevelure de petites créatures trucmuches cachées dans l'eau du lac, un peu à l'image de celles de cet artiste: cliquez ici si vous êtes curieux
La morsure du froid a laissé son empreinte à la faveur de la nuit. Le givre dessine des fleurs en cette morte saison qui les a pourtant bannies. L'hiver me suit tout autour de l'étang. Il me tire les oreilles, me pince les joues , se saisit de mes doigts et les paralyse. Je lui résiste. Il m'emporte finalement dans un long baiser qui me coupe le souffle et me réchauffe à mesure que j'avance. Chaque pas est un nouveau spectacle, il suffit d'ouvrir les yeux. Je m'attarde dans la contemplation de bulles d'air piégées sous la glace. Si je me penche un peu plus, d'un côté, puis de l'autre, le tableau n'est plus le même.La lumière révèle d'autres reflets, d'autres formes. Je pourrai m'y perdre. Je multiplie les clics sur mon objet fétiche et engrange les photos par dizaines. Je contemple, je cadre, recadre et recommence trois pas plus loin.
Autour du lac, pas un chat (bien qu'à y regarder de plus près les empreintes ci dessous, on se demande bien quel animal a pu passer par là et si c'est un chat, ce qu'il est venu faire si loin de son foyer chaud et doux) Les oiseaux cherchent leurs pitances là où le gel n'a pu figer le sol, sous l'épais tapis de feuilles de chênes. Partout dans les fourrées, les feuilles mortes bruissent et crissent. A les entendre on se croirait sur le point de croiser un large animal sauvage. les oiseaux font un beau remue ménage aux prises avec le froid.