Invictus de Clint Eastwood et le don de soi
Synopsis: "En 1994, l'élection de Nelson Mandela consacre la fin de l'Apartheid,
mais l'Afrique du Sud reste une nation profondément divisée sur le plan
racial et économique. Pour unifier le pays et donner à chaque citoyen
un motif de fierté, Mandela mise sur le sport, et fait cause commune
avec le capitaine de la modeste équipe de rugby sud-africaine. Leur
pari : se présenter au Championnat du Monde 1995."
Fort et émouvant comme un Clint. Des plans saisissants, une bande originale inspirée.
Un film historique à voir plus pour le témoignage qu'il apporte que pour l'intrigue intrinsèque qui nous est familière. Familière ... et pourtant, avant d'entreprendre des études de lettres et civilisation Anglo-Saxonnes avais-je la moindre notion du fait que l'apartheid avait perduré aussi longtemps en Afrique du Sud? Je n'en suis pas du tout sûre. A quoi étais-je occupée en ce mois de juin 95 qui fit la liesse de ce pays uni dans le sport? Je potassais le curriculum imposé pour décrocher le bac en juillet. Je connaissais mes conjugaisons espagnoles, Hamlet, Jekyll, Hyde et Dorian Gray. J'avais de bonnes notions en histoire et en géo, je me débrouillais en maths et en sciences et j'ai eu le bac mention AB, mais je n'aurais pas pu en dire long sur Mandela.
Et aujourd'hui ... entre ma routine maternelle, mes passe-temps dévorants, mes grandes joies, petits tracas et autres mouvements d'ailes, à quelles autres réalités suis-je en train de tourner le dos? Lorsque je regarde autour de moi ici, là-bas ou fort fort loin où la terre a tremblé, j'ai conscience d'avoir été privilégiée par le sort. Née au bon moment au bon endroit. Ça tient à pas grand chose. Maillon chanceux du tissu humain. Touchée par ce film (et le récent visionnage de Slumdog Millionnaire aussi), affligée par Haïti, inspirée par Etolane, je voudrais tisser mon humanité au reste du monde en ouvrant un peu plus les yeux et en faisant place à la compassion. Un don pour les autres, mais aussi pour moi, un don pour faire grandir. Je songe à reprendre le programme de parrainage auquel j'avais participé il y a quelques années. Il me faut relativiser la somme et me décider entre les différents organismes. Nous n'avons pas grand chose mais comparés à d'autres nous sommes des rois.
INVICTUS, Henley
Out of the night that covers me,
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
For my unconquerable soul.
In the fell clutch of circumstance
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
My head is bloody, but unbow'd.
Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.
It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate:
I am the captain of my soul.
***
Dans la nuit qui m'environne,
Dans les ténèbres qui m'enserrent,
Je loue les Dieux qui me donnent
Une âme, à la fois noble et fière.
Prisonnier de ma situation,
Je n'ai pas gémi ni pleuré.
Meurtri par les tribulations,
Je suis debout bien que blessé.
En ce lieu d'opprobres et de pleurs,
Je ne vois qu'horreur et ombres
Les années s'annoncent sombres
Mais je ne connaîtrai pas la peur.
Aussi étroit soit le chemin,
Bien qu'on m'accuse et qu'on me blâme
Je suis le maître de mon destin,
Le capitaine de mon âme.
Je songe à mes élèves de collège qui, il y a 3 ou 4 ans, découvraient ce fait historique et ne pouvaient y croire. Après de longs mois épuisants d'humeurs adolescentes assassines et revêches dans une ambiance explosive qui m'usait dans cet établissement difficile, je me souviens de leur soudain intérêt pour cette séquence de cours concernant l'Afrique du Sud, des recherches entreprises et leurs exposés. Je me demande si aujourd'hui, au seuil de leur majorité (que j'abordai moi même insouciante du reste du monde lors de cette coupe de 1995) ils auront relevé la sortie de ce film et se seront rappelés les heures de cours où nous avions évoqué ce match historique du 24 juin 1995.