Points d'exclamation, cercles et rectangles: Le moi, le eux, le nous, l'ici, l'ailleurs.

8 NOVEMBRE: Par le passé, ce jour anniversaire sonnait comme un point d'exclamation dans le calendrier...un temps d'arrêt pour faire le tour de ma personne d'un pas dansant et léger sur un air enjoué... un jour à part où me fêter. Dès le réveil il y avait ce petit quelque chose qui vibrait dans l'air et faisait de ce 8 un jour comme nul autre pareil.  Tout en était transformé, cristallisé. Si je venais à entendre cette date au hasard de mon quotidien, c'était comme une incantation magique qui ne parlait qu'à moi.

Aujourd'hui, ce sentiment a glissé vers ... autre chose. Le 8 novembre a trouvé d'autres résonances. Il prend de l'écho. Je le considère plutôt à présent comme un point de convergence où remonter la trame de destins croisés. Le mien, le sien, les leurs. C'est ce "1+1=4" qui ne serait pas sans ce 8/11. Je remonte le fil de la maternité et trouve que c'est plutôt ma mère qu'il faudrait fêter. Le point d'exclamation s'étire, il regarde en arrière, il regarde en avant, il devient cercle. Rond comme le ventre d'une mère qui vient ponctuer sa ligne de vie. L'anniversaire devient point de convergence où se fondent plusieurs destins.

Soudain, cette pensée m'inquiète. Du haut de mon point d'exclamation, je ponctuais ma vie à ma guise. Alors que celui ci s'efface, et si c'était un peu de moi qui partait avec lui?

Dans le cercle de la maternité, il est difficile d'ancrer le soi dans un ici et maintenant exclusivement personnel. Toujours, notre cœur bat à l'unisson du leur. On s'inquiète de leur bien être. On anticipe leurs besoins. On ne songe plus au singulier. L'amour en général se conjugue au pluriel, mais les liens maternels ont une règle un peu à part qui fait que le JE s'efface entièrement devant EUX. Dans le couple la conjugaison alterne, un peu de TU, un peu de JE, un peu de NOUS. On est flexible. Avec ses petits à soi, c'est le TU (X2) qui prime. Emportée, effacée, je ne suis plus , je me sens multiple. Mes joies, mes chagrins ne sont plus miens. Ils ont pris la couleur de leurs jours. Je suis multiple. Mon être s'éthére . Je dois être ici et partout à la fois. Je me sens brume parfois. Je disparais. C'est un état d'âme, mais à bien y regarder tout en moi en est affecté. Ma silhouette de jadis n'est plus. Elle a été gommée à gros traits. Mes vêtements ne font plus l'office recherché de faire valoir, les voici devenus bavoirs. Nuits/ jours, le temps même perd ses repères. Tout s'efface. Ma sœur m'a fait remarquer que je n'apparaissais guère sur les clichés. N'est ce pas un autre indice de l'effacement de mon être?

Je m'inquiète.

Pourtant sous le microscope de l'introspection, on découvre bien la trépignante danse frénétique du vindicatif  petit MOI. On le voit sauter sur place et agiter les bras, brandir des messages: "MOI MOI MOI!!!"
MOI veut lire
MOI veut dormir
MOI veut sortir
MOI veut écrire
MOI veut grasse matinée ...
Souvent, il faut le malmener, le bâillonner, l'étouffer.

Est-ce que MOI disparait?

Entre deux brasses (parce que MOI a eu sa séance balnéo dimanche et que MOI n'est pas à plaindre quand même) soudain la réponse s'impose:

NON.

Je ne disparais pas. Je me fonds. Je distille mon être  en eux à la chaleur de notre amour. Je deviens le terreau de leur petite enfance pour qu'avec un peu de MOI (de NOUS) ils fassent éclore leur "JE" à eux, et qu'un jour de fiers points d'exclamation de mars, ils deviennent cercles à leur tour.

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C'est avant de m'endormir que j'ai griffonné ces pensées  hier soir.
Au petit matin Lynn devance le réveil de son frère qui a fait la java une partie de la nuit.
Trop fatiguée pour une tétée assise dans sa chambre. Envie d'une tétée au creux de  la couette.
Pour ne pas gêner Monsieur c'est dans le parc que j'établis notre camp.
La maison dort. Pieds nus dans la salon, vite faire place au milieu des jouets, disposer couette et oreiller.
Allongées là toutes les deux nous partageons le bonheur du jour nouveau dont l'aurore frémit à peine. Pour nous faire un peu de clarté j'ai tamisé les lumières.
J'ai l'idée de regarder autour de moi avec leurs yeux à eux. De quoi ça a l'air notre chez nous depuis le fond du parc.
Je souris.
Rectangles et cercles:
Rectangles de la porte fenêtre , du "petit" écran, des rangées de livres. rectangles sur l'ailleurs.
et Cercles: cercles de lumière ambrée, cercle du grand miroir qui porte le reflet des scènes domestiques qui se jouent ici au quotidien. Le cercle du Home sweet home comme des bras qui se referment dans une longue et douce étreinte maternelle au petit matin.

Comments

[minutepapillonm]

merci. j'espérais qu'il parlerait à d'autres aussi et que ce n'était pas seulement symptomatique de "l'effet jumeau" cette sensation là.

[aotte]

les larmes me montent aux yeux...ca serait pas ce que je ressens en ce moment?
Ma fille devient ma vie, mes jours et mes nuits...je suis cachee tout au fond, tout au loin...j;ai l'impression meme de me perdre parfois.
Encore bravo pour ce texte...
Il faut maintenant taper du pied et remonter a la surface du moi...
(tiens je vais aller a la piscine je crois, TOUT SEULE...)

[minutepapillonm]

Merci.
texte brouillonné toute la journée dans ma tête et griffonné sur coin de papier de sous la couette car Monsieur avait sa soirée jeu en ligne (dofus. d'autres adeptes?)

[Etolane]

Je crois que le "Moi" s'estompe effectivement dans le terreau et plus l'enfant(s) grandit, plus on peut le redécouvre. je réalise, avec les 3 ans de ma fille, que je recommence à découvrir ce que j'avais fondu en notre quotidien partagé. La petite enfance est envoutante... Mais dis, donc t'es une petite scorpionne aussi alors! ;) Comme ma Liloo d'amour! :D Bonne fête! Plein de sourires et un zeste amical que je dépose en ces mots...

[Nono]

Très très joli texte que tu as griffoné. JE me sens un ptit peu comme ça aussi.