Tout est faux
Souvenez vous de mon enthousiasme pour ce livre: Survivre avec les loups de Misha Defonseca
Et bien hier soir, j'ai été "choquée" d'apprendre qu'elle venait d'avouer avoir tout inventé. Je m'étais bien dit qu'une telle expérience était difficile à concevoir et certains d'entre vous avez dit de même dans les commentaires, mais ça me fait un petit je ne sais quoi. Beaucoup d'internautes ont été interpelés par cette révélation, car aujourd'hui, sur les mots clés tapés qui ont ouvert mon coin de blog, beaucoup concernent l'auteur et son livre.
Article sur libération.fr: "Survivre avec les loups aurait pu être une belle fiction. Malheureusement, ce n’est plus qu’une mystification, une supercherie de belle facture, comme l’histoire, notamment littéraire, en produit régulièrement. Vendredi, le journal belge le Soir a obtenu les aveux de Misha Defonseca : non, l’auteure du best-seller publié en France en 1997 n’a jamais parcouru 3 000 km à pied vers l’Est à la recherche de ses parents juifs, arrêtés par les nazis, à Bruxelles, en 1941. Non, elle n’a pas été prise en charge par une meute de loups. Monique De Wael, de son vrai nom, n’est même pas juive.
C’est l’adaptation au cinéma, par la réalisatrice française Véra
Belmont, de ce livre présenté comme autobiographique qui a permis de
mettre au jour la mystification. Dès la sortie du film en Belgique, des
historiens et des spécialistes des loups ont mis en doute la véracité
de ce récit truffé d’invraisemblances. Le 23 février, le Soir
révèle que Misha Defonseca, 70 ans aujourd’hui et vivant près de Boston
(Etats-Unis), s’appelle en réalité Monique De Wael, que si ses parents
ont bien été arrêtés en 1941, ce n’est pas parce qu’ils étaient juifs,
mais résistants (ils ne reviendront pas), qu’elle avait 4 ans au moment
des faits et non 8, qu’elle fut recueillie par son grand-père, puis son
oncle. Misha Defonseca s’enfonce alors dans le mensonge : par
l’intermédiaire d’un ténor du barreau bruxellois, Me Marc Uyttendaele, elle affirme qu’elle est juive et que son identité a dû être falsifiée pour échapper à l’occupant.Le Soir
ne lâche pas prise : la rédaction appelle un par un les 375 De Wael
recensés en Belgique et finit par tomber sur sa famille. Sa cousine
germaine, Emma De Wael, s’exclame : «Cette Monique, elle en a de l’imagination ! Elle n’était pas juive, mais une bonne catholique.» Elle confirme toutes les informations déjà publiées par le journal. On apprend qu’à l’époque les gens l’appelaient «la fille du traître», car ils soupçonnaient son père d’avoir parlé sous la torture.
Placée devant l’évidence, «Misha Defonseca» fait parvenir un texte au Soir : «Oui,
je m’appelle Monique De Wael, mais depuis que j’ai 4 ans, je veux
l’oublier. […] Cette histoire, c’est la mienne. Elle n’est pas la
réalité réelle, mais elle a été ma réalité, ma manière de survivre.» Elle «demande
pardon à tous ceux qui se sentent trahis, mais [elle] les supplie de se
mettre à la place d’une petite fille de 4 ans qui a tout perdu»."
interview:
LE FIGARO. Comment vous appelez-vous vraiment ?
Misha
DEFONSECA. Je m'appelle Monique Dewael, mais depuis que j'ai 4 ans je
veux l'oublier. Mes parents ont été arrêtés quand j'avais 4 ans. J'ai
été recueillie par mon grand-père, Ernest Dewael, puis par mon oncle,
Maurice Dewael. On m'appelait «la fille du traître» parce que mon père
était soupçonné d'avoir parlé sous la torture à la prison de
Saint-Gilles. À part mon grand-père, j'ai détesté ceux qui m'avaient
accueillie. Ils me traitaient mal. Je me sentais «autre». C'est vrai
que, depuis toujours, je me suis sentie juive et plus tard, dans ma
vie, j'ai pu me réconcilier avec moi-même en étant accueillie par cette
communauté.
Alors, c'est vrai que je me suis raconté, depuis
toujours, une vie, une autre vie, une vie qui me coupait de ma famille,
une vie loin des hommes que je détestais. C'est aussi pour cela que je
me suis passionnée pour les loups, que je suis entrée dans leur
univers. Et j'ai tout mélangé. Il est des moments où il m'est difficile
de faire la différence entre ce qui a été la réalité et ce qu'a été mon
univers intérieur. Je demande pardon à tous ceux qui se sentent trahis.
Comment réagissez-vous à la polémique qui enfle en France et qui remet en cause la véracité de Survivre avec les loups ?
Je
suis profondément triste. Cette histoire, je l'ai gardée si longtemps
en moi !... Un jour, dans une synagogue, où je me sentais si bien, on
m'a demandé de parler de moi, de mon histoire, à l'occasion de Yom
Hashoa h, jour du souvenir. De retour chez moi, mon mari m'a convaincue
de le faire, me disant que ça me libérerait. Lorsque je suis montée à
la bima (chaire, NDLR), j'ai pris soudain conscience que j'allais
parler pour la première fois. J'ai fondu en larmes et puis, doucement,
par bribes, je me suis mise à raconter. L'assistance et les miens qui
me réchauffaient de leur présence pleuraient.
Mon histoire, je
ne la livrais pas au grand public. Si j'ai commencé à parler dans
plusieurs universités américaines, c'était à leur demande. C'est alors
que j'ai été harcelée par une femme, Jane Daniel, qui se disait
éditrice et qui voulait faire un livre sur ma vie. Pendant plus de deux
ans, j'ai refusé, mais ma communauté et mes amis me disaient :
«Grandis, Misha, fais-le pour les générations futures.» J'ai rassemblé
mes souvenirs et le livre a été écrit. Je me suis partiellement
reconnue dans cette histoire. C'était la mienne, même si sur certains
événements, des dates notamment, j'ai dû accepter les suggestions de
l'éditrice.
Le succès de mon livre était pour moi un cri
d'espoir, de rejet de l'horreur, et il aidait, surtout les jeunes, à
comprendre ce qu'avait été le cauchemar des années de guerre.
Aujourd'hui, je me sens traquée de nouveau et c'est un sentiment
effroyable.
N'avez-vous jamais été surprise que
personne ne remette vraiment en cause l'authenticité de votre récit et
ses invraisemblances
J'ai raconté tout ce qui me
revenait et comme cela me revenait. Sans jamais pouvoir vérifier, car
j'étais une enfant. De tout mon être, j'ai ressenti, jour après jour,
que mon histoire est vraie. Mes nuits ont été peuplées de cauchemars,
la réalité s'y mêlait. Mais aujourd'hui une telle haine…
Le fait que votre livre soit présenté comme une biographie et non une fiction a-t-il eu un impact, selon vous, sur son accueil ?Je n'en sais rien, et puis pour moi ce n'était pas une fiction. Mon avocat m'a dit que c'était «ma» vérité. Il a raison, c'est ma vérité et vous savez, moi, je n'ai jamais voulu l'écrire, faire de l'argent avec tout cela. Je ne voulais rien publier. C'est mon éditrice américaine, Jane Daniel, qui a vu dans ma vie une mine d'or, et c'est elle seule qui en a profité."